• le bilan négatif des années Thatcher

    ROYAUME-UNI

    Politiques libérales : le bilan négatif des années Thatcher

    Elue Premier ministre britannique en 1979, Margareth Thatcher lance le pays dans une politique de libéralisation à outrance : déréglementation des prix, des salaires, de la finance, privatisations, réduction du pouvoir des syndicats, etc. Une politique poursuivie par ses successeurs et un peu assouplie lors du passage au pouvoir des travaillistes.

    Deux économistes de l’université de Cambridge ont voulu en avoir le cœur net : ces changements ont-ils permis à l’économie britannique de mieux se porter durant les décennies qui ont suivi ces politiques par rapport aux décennies qui ont précédé ? Leur constat est sans appel : la réponse est non.

    Une croissance plus faible

    Après les politiques de libéralisation, la capacité de l’économie britannique à produire de la richesse s’est amoindrie. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant de 2014 est inférieur de 20 % à ce qu’il aurait été si la croissance moyenne des années 1950-1979 s’était maintenue.

    La capacité de l’économie britannique à produire de la richesse s’est amoindrie

    Ce mauvais résultat pourrait s’expliquer par les évolutions de l’économie mondiale : une croissance plus faible du commerce international en même temps qu’une concurrence plus forte liée à l’ouverture accrue des échanges extérieurs britanniques. Mais aucune des deux explications ne tient le coup : s’il est vrai que le commerce international a progressé moins vite après 1979, le taux de croissance des exportations britanniques n’a pas diminué ; quant aux effets de la concurrence étrangère, l’essentiel de la baisse des tarifs douaniers britanniques était déjà réalisée en 1979.

    Une croissance plus volatile

    C’est donc bien dans les ressorts internes de l’économie britannique qu’il faut chercher à comprendre l’affaiblissement de ses performances et sa plus grande volatilité. Car, rappellent les deux économistes, si les dirigeants du Royaume-Uni étaient spécialistes des politiques de stop and go – une relance, suivi d’un grand coup de frein, suivi d’une relance, etc. – les périodes creuses correspondaient à des moments de ralentissement de la croissance.

    Il y a eu trois récessions majeures depuis 1979

    Avant 1979, seules 1974 et 1975 ont connu une baisse de croissance. Depuis, il y a eu trois récessions majeures dont la plus forte depuis un siècle du fait de l’excès d’endettement dû à la libéralisation financière.

    Un problème de productivité

    Le problème clé de l’économie britannique tient à la baisse de la productivité, sa capacité à produire plus efficacement. Elle a surtout perdu en productivité globale des facteurs, c’est-à-dire dans sa capacité à combiner travail et capital, plus que par une baisse de la productivité du travail ou du capital. La productivité globale a crû de 1,4 % par an en moyenne sur la période 1980-2007, contre 1,8 % sur la période 1950-1979. L’explication tient à l’affaissement de l’industrie au profit des services, un secteur où les gains de productivité et où les dépenses de recherche et développement sont plus faibles.

    Un ralentissement de la productivité globale des facteurs

    Mme Thatcher a à son actif le fait d’avoir brisé le pouvoir des syndicats. Le nombre de jours de conflits au travail est passé de 900 000 dans les années 1950-1960 à 1 à 2 millions dans les années 1970 – début 1980, avant de chuter à 250 000 par an à la fin des années 1990. Mais, visiblement, sans effet positif sur la productivité.

    De la même façon, la libéralisation globale de l’économie en général, et les baisses d’impôt en faveur des riches en particulier, ne se sont pas traduites par un boom de l’esprit entrepreneurial. Les deux chercheurs montrent que les périodes hautes de créations d’entreprises correspondent surtout à celles de montée du chômage, de bulle immobilière (la garantie offerte par la valeur de la maison est plus importante) et de moindres embauches dans le secteur public.

    Si c’était à refaire…

    L’article propose également un bilan de l’évolution des prix, des privatisations et une comparaison de l’évolution de l’économie britannique avec celle des autres grands pays européens, avec les mêmes conclusions négatives.

    Il ne s’agit pas de revenir à l’économie administrée
    d’après-guerre

    Un point positif mérite d’être souligné : entre 1979 et 2013, nos voisins d’outre-Manche ont ajouté 4,7 millions d’emplois. Quels que soient les autres résultats par ailleurs, n’est-ce pas là le résultat ultime qui montre la force des politiques libérales ? Clairement non : les deux tiers de ces emplois ont été créés dans le secteur public ! Le tiers restant provient essentiellement du commerce de gros et de détail et du secteur immobilier, tous portés par une bulle d’endettement qui a mal fini.

    Il ne s’agit pas de revenir à l’économie administrée d’après-guerre, concluent les deux Cambridgiens. Mais de montrer que les politiques libérales n’ont pas les vertus que leur prêtent leurs défenseurs et que d’autres voies méritent d’être explorées.


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :